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Chambre à Musique
Chambre à Musique
Midi Mibre - 21 mai 1983

Chambre à Musique

CHAMBRE A MUSIQUE

Il fallait pour la visiter, cette chambre, s'égarer dans la rue Lakanal ce samedi de pluie diluvienne. Mais ensuite tout se transforme. On descend dans une salle, d'abord muette, vaguement éclairée, et si l'on choisit d'aller se promener sur la piste, on est surpris par l'étrange musique qui vous escorte au fur et à mesure de vos gestes, et de l'ombre que vous portez sur les rampes lumineuses. Musique en robe de brocart, souvent roide et saccadée. On se croit transformée en poupée, comme l'Olympia des Contes d'Hoffmann. Est-ce ici l'antichambre d'un Palais surréaliste ou une salle de spectacles ? Les rythmes grincent un peu, vous poursuivent et s'arrêtent si vous vous immobilisez. Si vous précipitez vos gestes, tout s'anime et les couleurs sur un écran au fond de la pièce répondent aux notes. On évoque les correspondances de Baudelaire. Il semble en effet qu'ici les couleurs et les sons se répondent. Un trio de jeunes gens s'élance sur la scène et se met à évoluer avec une grâce parfaite. Aussitôt comme dans une boîte à musique, tout se met à l'unisson. C'est ravissant, étourdissant, un peu artificiel.

Nicole, tout en dansant, joue très efficacement de son parapluie - ombrelle aux couleurs vives. C'est que l'ombre qui passe sur les rampes crée aussi le rythme ou le fait varier: ombre des mains, des visages, des cheveux qui flottent et des parapluies à fleurs. Puis le trio revient s'asseoir et 1e silence se recrée. Arrive un nouveau visiteur qui s'aventure sur la piste avec réticence, obsédé semble-t-il par la musique qui se crée sous ses pas. Lente, très lente parce qu'il avance avec précaution. Il parait s'attendre à voir surgir à l'angle de la salle quelque dragon, quelque enchanteur... ou quelque enchanteresse, tant cela semble féérique pour le profane. Mais la plupart des visiteurs sont très avertis, même les mères amènent leurs enfants pour 1es laisser courrir et tournoyer à leur aise comme dans une cour de récréation.

Je m'installe auprès des danseurs du charmant ballet. Pierre, qui, connait bien l'électronique. pourrait me parler en technicien, mais il choisit , à ma joie. de s'exprimer autrement: «  Le principe est connu, dit-il, mais l'application est intéressante. Il est intéressant d'avoir une relation avec son corps par l'intermédiaire de la musique. Cela donne envie de bouger, de s'extérioriser. C'est différent de la danse habituelle. Ici, on ne se contente pas de recevoir le rythme, on le donne. » J''interroge aussi Chantal: « j'aime dit-elle, à jouer ici avec la musique et les couleurs. » Quant à Nicole, elle se contente de sourire son approbation, en jouant avec son ombrelle à fleurs, telle une madame Chrysanthème improvisée. La pluie me garda longtemps dans cette chambre à musique où je me sentais agréablement séquestrée, captive d'une magie à la fois très moderne, et mystérieusement poétique.

Anne-Marie DE BACKER

Paru dans Sortir à Montpellier – Mai 1983



FIAG - Festival international d'Avant Garde - 1983
FIAG-1983
Catalogue de l'exposition - Centre André Malraux - 112 rue de Rennes - Paris
du 8 au 23 novembre 1983

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