
1983
Caméra Musicale
informatisée 
Jean-Robert
Sédano

Les
espaces sonores
à l'ère numérique.
Je m'étais initié à l'informatique en 1981, au cours
d'un stage à Paris, mais il s'agissait de gros systèmes
surtout destinés à la gestion. Le projet Music V avait
pourtant montré qu'il était possible de faire de la
musique avec des ordinateurs. Je fis mes véritables
débuts en la matière sur le ZX81 de la firme Sinclair.
C'était un des premiers micro-ordinateurs, tout à fait
minuscule, en taille et en puissance. Mais c'était
déjà fantastique de pouvoir créer de petits jeux,
et de les regarder sur un écran de télé noir et
blanc.
Avec les
premiers cachets, j'
avais pu investir dans une machine
beaucoup plus puissante: l'Apple II.
En
soulevant le capot on
accédait à une rangée de connecteurs qui pouvaient
accueillir toutes sortes d'extensions. Ces interfaces
démultipliaient les possibilités de l'ordinateur. J'y
installais d'abord une carte son, Music System de la fime Mountain
Computer. Il s'agissait d'un synthétiseur numérique
à 16 oscillateurs dont on pouvait changer les formes d'onde par
synthèse additive. Puis je fis venir de Californie une autre
carte, nommée DS 65 de Micro Works, qui permettait de
numériser un signal vidéo. Je branchais ma caméra
vidéo, celle qui avait servi pour "Musique de Corps", sur
l'entrée composite et je pouvais admirer la version
numérique de l'image, en 16 niveaux de gris.
On
pouvait programmer cet
ordinateur de deux façons, soit avec le langage Basic qui
résidait en mémoire morte, l'Applesoft, soit en
Assembleur, le langage très rapide du microprocesseur.
J'utilisais
ces deux langages
pour parvenir après de nombreux essais à une
première version de caméra musicale informatisée
qui succéda à la version totalement analogique de
"Musique de Corps". Elle fut
présentée à
Gijon en Espagne avec
l'installation de "Camara de Musica" en 1984.
En 1983 j'avais pris
rendez-vous avec le
responsable du département de recherche
musicale de l’ IRCAM, Tod Machover.
Il travaillait aussi à l'époque sur des dispositifs
interactifs et je lui présentais mes travaux de transformation
image-son par le moyen d'analyse vidéo en temps réel. Je
cherchais un appui technique et artistique pour pouvoir
développer plus avant cette recherche. Mr Machover me
reçut d'un air méfiant et ne me proposa aucune aide. J'ai
eu l'impression que mon travail le dérangeait, comme s'il
fallait
que l'organisme le plus en pointe au niveau de la musique contemporaine
conserve sa prééminence, voire son monopole. Je sortis du
puits de l'Ircam déçu et convaincu qu'il me faudrait
continuer seul mes travaux. Curieusement l'RCAM engagea par la suite
(1984-1985) un jeune programmeur américain du nom de Miller
Puckette qui réalisa le logiciel de programmation sonore
modulaire "Patcher" pour la 4X, et vendu ensuite dans sa nouvelle
version nommée "Max MSP". En 1995, Puckette joua un joli tour
à l'institution en diffusant gratuitement son logiciel sous le
nom de "Pure Data"...


