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Pionniers de l'art interactif, Jean-Robert Sédano et Solveig de Ory expérimentent et réalisent
depuis les années 1980 des environnements, installations et sculptures musicales
qui proposent à chacun une expérience concrète, dynamique et ludique .

Pratiquant une forme de création trans-disciplinaire, ils ont développé un joyeux mélange entre arts plastiques, musique, technologie et créativité participative.
Autonomes vis à vis des organismes officiels, indépendants du marché de l'art, leurs travaux sont uniquement loués ou vendus à des collectivités.
Auteurs des concepts, des algorithmes et des logiciels originaux, ils tracent un chemin singulier dans le monde de l'art numérique en réalisant intégralement leurs œuvres.

A l'heure de l'abondance de l'offre multi-médiatique, qui génère un brouillard consumériste,
restons vigilants, imaginatifs et joueurs !

Voici l'aperçu d'un itinéraire artistique à découvrir et à partager.

 


Une présentation critique de la démarche de Ludicart
par Célio Paillard (Revue L'Autre musique - 2011)
Les 10 et 11 septembre 2011 avaient lieu les fêtes de la ville de Choisy-le-Roi, dans la banlieue parisienne...  Et, au cœur de ce joyeux foutoir – l’énergie vitale surmultipliée par la très proche résignation à l’implacable retour au travail –, près d’une petite pièce d’eau – au milieu de laquelle une sculpture de Narcisse présentait son cul plus qu’il ne mirait son reflet –, sous le couvert d’un majestueux saule pleureur, Ludicart avait monté deux installations sonores interactives : les Tableaux sonores (1996) et les Tubulophones (1993).
Les premiers formaient un sas d’accès à l’univers de Ludicart : 4 grands cadres évidés de 2 mètres de haut, diffusant du son lorsqu’on les traversait.
Les seconds étaient constitués de 8 sculptures disposées en un demi-cercle. Également à l’échelle humaine, ces tubes de plastiques crénelés – protégeant d’ordinaire les échafaudages – étaient peints cette fois dans un camaïeux de bleus vifs, se terminant en lamelles, pour évoquer la ramure d’un arbre, et ceinturés en leur milieu par une double bande métallique, produisant des sons lorsque les visiteurs faisaient contact.

CORPS À L’ŒUVRE

Et les contacts, justement, étaient très nombreux. Des enfants, excités par la fête, s’amusaient à cavaler autour des Tableaux et des Tubulophones, s’étonnant qu’ils produisent des sons lorsqu’ils les traversaient ou les touchaient. Ils couraient en tous sens, slalomaient entre les sculptures, tournaient autour, bondissaient de l’une à l’autre, pour constater que la magie continuait d’opérer, et que des mélopées différentes étaient jouées. Ils voulaient tout tester, s’invitaient les uns les autres à prolonger le jeu, en explorant chacun des Tubulophones. Cela donnait lieu à des postures d’équilibre précaire et à des acrobaties cocasses.
Des adultes en faisaient l’expérience avec moins d’exubérance, plaçant leurs mains sur les deux électrodes, leur corps conducteur faisant contact et déclenchant des cascades sonores aux tessitures différentes. Debout à côté, statiques, ils semblaient au premier abord méfiants devant ces totems technologiques à l’apparence un peu bricolée. Mais l’évidence de leur fonctionnement et la constance et l’infaillibilité de la réponse à leurs geste était aussi convaincante que séduisante.

ACCÈS PAR L’INTERACTIVITÉ

Pour éviter la déception due à l’expérimentation ratée de l’œuvre, lorsque celle-ci ne fonctionne pas ou mal, lorsqu’elle ne remplit pas ses promesses — ce qui induit parfois un sentiment de culpabilité chez le spectateur qui se reproche d’être incapable de la manipuler correctement –, l’interactivité élaborée par Ludicart est très simple. Pas besoin de s’échiner à suivre un mode d’emploi élaboré ou à deviner quel est le comportement adéquat, on a envie de traverser les cadres des Tableaux ou de toucher les bandes métallisées des Tubulophones, placées à une hauteur convenant aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Que pourrait-on faire d’autre ? D’ailleurs, en cas de doute, il suffit d’imiter les autres intervenants, ou de se laisser convaincre par l’auto-suggestion, par exemple en frottant une partie insensible de la sculpture en prétendant qu’elle produit du son.
Et c’est bien là une des qualités principales des œuvres de Ludicart : bien que leur manipulation soit évidente, leur fonctionnement s’appuie sur la magie de la science – comme ces expériences de chimie où l’on voyait bien que le nitrate de potassium précipite dans l’iodure d’argent, cependant que les mécanismes de cette réaction restaient malgré tout inaccessibles à notre intelligence. En touchant les Tubulophones, on ne pense pas que les surfaces réceptives analysent l’ampleur du contact, que le signal analogique mesuré est converti en données binaires qui sont traitées par un ordinateur, et qui produisent par la suite une ribambelle de sons, par l’entremise d’un synthétiseur numérique, d’une carte son, d’un canal d’amplificateur, puis d’un haut-parleur placé au cœur de chaque sculpture. Et quand bien même on le sait, l’émerveillement procuré par l’apparition sonore persiste. La technologie s’efface derrière la simplicité d’utilisation. Ce parti-pris ludique affiché par le duo d’artistes (Jean-Robert Sédano et Solveig de Ory)  se concrétise par des formes apparemment low-tech, à contre-pied des opérations de séduction de certaines œuvres d’art numériques, qui semblent conçues pour impressionner les spectateurs, mais qui les plongent le plus souvent dans la perplexité. Non seulement il est facile d’activer les Tubulophones et de déclencher des sons, mais encore on s’aperçoit rapidement qu’ils ne durent que le temps du contact, et que leur hauteur est inversement proportionnelle à la surface appliquée sur les capteurs réceptifs.

COMBINATOIRE ET HASARD

Et puis, rapidement, on est intéressé par autre chose : les séquences sonores. Influencée par Cage, Xenakis, la musique sérielle et électroacoustique, Ludicart élabore ses séquences avec l’assistance de la combinatoire et du hasard, afin d’introduire variations et surprises. L’invitation des corps des visiteurs à une exploration ludique des œuvres est aussi une manière de leur proposer des formes musicales originales, trop généralement réservées à des salles de concert prestigieuses ou confidentielles, investies par quelques initiés qui peuvent se glorifier d’une telle distinction.
Toutefois il n’y a pas Ici de religion de l’écoute, de respect des œuvres excessif : placées dans un lieu (public) bruyant, elles ajoutent une couche sonore et se fondent dans leur environnement, comme si la musique dodécaphonique faisait partie du paysage – ce qui est généralement le cas dans les espaces publics, où bruits, sons et musiques se superposent et s’intriquent.

SITUATIONS D’ÉCOUTE

Pour autant, il ne faudrait pas réduire l’approche de Ludicart à une démarche de vulgarisation. Le didactisme exigerait plus de sérieux et de contrôle, et ces œuvres sont destinées à être jouées, et encore, imparfaitement, car elles ne se laissent pas aisément dompter. Plutôt que des instruments de musique conçus pour un concert ou un spectacle, les sculptures de Ludicart s’offrent à la manipulation. Pour faire quoi ? De la musique, du bruit, pour servir de balises à un jeu, ou d’obstacles de slalom ? Qui sait ? De nombreux usages pourraient être inventés, autant que de situations d’écoute et de vie, sous une forme récurrente ou inédite. Ça dépendra de l’inspiration – mais celle-ci n’en est pas moins orientée par la disposition, l’aspect et le fonctionnement de ces sculptures.
Et c’est en cela qu’est judicieuse leur installation dans des cadres artistiquement peu connotés – voire connotés comme non-artistiques ou comme anti-artistiques, à l’instar des fêtes de Choisy-le-Roi, dont on imagine pas (peut-être à tort ?) qu’un artiste contemporain « branché » se vanterait de les avoir honoré de sa présence. Ludicart propose une expérience, est-ce important de savoir si elle est d’ordre artistique ou si elle est simplement vécue ? Et qu’est-ce que cette distinction changerait à son appréciation ?
La volonté de Ludicart de ne pas séparer la pratique artistique du cadre général, habituel voire « normal » de la vie courante, se manifeste par leur présence dans des événements publics non spécifiquement artistiques, ainsi que par le système économique qu’ils ont mis en place, incompatible avec le marché de l’art et l’appropriation privée – et privative – de leurs œuvres. Celles-ci ne sont pas vendues mais louées pour l’événement. La durée de vie des œuvres s’en trouve ainsi prolongée, et celles-ci bénéficient d’une marge de perfectionnement, suivant l’évolution des technologies et grâce à l’expérience de la monstration : il est possible d’en faciliter la manipulation et d’en optimiser les effets.
Ainsi l’usage est privilégié à l’objet, la musique prenant la forme d’une pratique plutôt que d’un fétichisme.



Pioneers
of interactive art, Jean-Robert
Sédano and Solveig de Ory experiment and realize
since the 1980s, environments, installations and sculptures musical
each offering practical experience, dynamic and fun.

Practicing a form of trans-disciplinary creation, they have developed a nice mixture between art, music, technology and creativity participatory.
Autonomy of government agencies,  independent of art market, their work is only rented or sold to communities.
Authors of concepts, algorithms and
originals software, they trace a singular path in the world of digital art by making their works fully.

At the abundant supply multi-media, which generates a fog consumerist
remain vigilant, imaginative and players !

Here is the preview of artistic itinerary to discover and share.

A critical presentation of Ludicart's approach
By Célio Paillard
(Revue L'Autre musique - 2011)
On September 10th and 11th, 2011, there were celebrations in the town of Choisy-le-Roi, in the suburbs of Paris ... And, at the heart of this joyful mess - the vital energy overmatched by the very resignation to the implacable Returning to work - near a small piece of water - in the middle of which a sculpture of Narcisse presented her ass more than mirroring her reflection - under the cover of a majestic weeping willow, Ludicart had mounted two Interactive sound installations: Tables sonores (1996) and Tubulophones (1993).
The former formed an access lock to Ludicart's universe: four large hollowed-out frames of 2 meters high, broadcasting sound when crossed.
The second consisted of 8 sculptures arranged in a semicircle. Also on a human scale, these crenellated plastic tubes - usually protecting the scaffolding - were painted this time in a shimmering brush, ending in strips, to evoke the crown of a tree, and surrounded in the middle By a double metal band, producing sounds when the visitors made contact.


BODY AT WORK

And contacts were very numerous. Children, excited by the festival, amused themselves by riding around the Paintings and the Tubulophones, astonished that they produced sounds when they crossed or touched them. They ran in all directions, slalomed between the sculptures, turned around, leaped from one to the other, to see that magic continued to operate, and that different melodies were played. They wanted to test everything, inviting each other to prolong the game, exploring each of the Tubulophones. This gave rise to postures of precarious equilibrium and comical acrobatics.
Adults experimented with less exuberance, placing their hands on the two electrodes, their conductive body making contact and triggering sound cascades with different tessitura. Standing side-by-side, static, they seemed at first suspicious in front of these technological totems with the appearance a little tinkered. But the evidence of their functioning and the constancy and infallibility of the response to their gestures was as convincing as it was seductive.

ACCESS BY INTERACTIVITY

In order to avoid disappointment due to the failed experimentation of the work, when it does not work or wrong, when it does not fulfill its promises - which sometimes leads to a sense of guilt in the spectator, Be unable to handle it correctly - the interactivity developed by Ludicart is very simple. No need to crash into an elaborate manual or to guess what is the right behavior, you want to cross the picture frames or touch the metallic bands of the Tubulophones, placed at a height suitable for children Than adults. What else could we do? Moreover, in case of doubt, it is enough to imitate the other speakers, or to be persuaded by self-suggestion, for example by rubbing an insensitive part of the sculpture by pretending that it produces sound.
And this is one of the main qualities of Ludicart's works: although their manipulation is evident, their functioning is based on the magic of science - such as those chemistry experiments where it was clear that potassium nitrate Precipitates in the silver iodide, while the mechanisms of this reaction remain in spite of everything inaccessible to our intelligence. By touching the Tubulophones, it is not thought that the receptive surfaces analyze the magnitude of the contact, that the measured analog signal is converted into binary data which are processed by a computer, and then produce a series of sounds by l A digital synthesizer, a sound card, an amplifier channel and a loudspeaker placed in the center of each sculpture. And even if it is known, the amazement produced by the sound apparition persists. Technology fades behind ease of use. This playful side displayed by the artists' duo (Jean-Robert Sédano and Solveig de Ory) is embodied in seemingly low-tech forms, contrary to the operations of seduction of certain digital works of art, which seem Designed to impress the spectators, but which plunge them most often in perplexity. Not only is it easy to activate the Tubulophones and trigger sounds, but it is also quickly noticed that they last only the contact time and that their height is inversely proportional to the surface applied to the sensors.


COMBINATORY AND HAZARD

And then, quickly, we are interested in something else: the sound sequences. Influenced by Cage, Xenakis, serial and electroacoustic music, Ludicart elaborates his sequences with the assistance of combinatorics and chance, in order to introduce variations and surprises. The invitation of the visitors' bodies to a playful exploration of works is also a way of offering them original musical forms, too generally reserved for prestigious or confidential concert halls, invested by a few initiates who can boast of such a distinction .
However, there is no religion of listening, respect for excessive works: placed in a noisy (public) place, they add a layer of sound and blend into their environment, as if the twelve-tone music was part of the Landscape - which is generally the case in public spaces, where noises, sounds and music overlap and become entwined.

LISTENING SITUATIONS

Nevertheless, Ludicart's approach to extension should not be reduced. Didacticism demands more seriousness and control, and these works are destined to be played, and still imperfectly, for they can not easily be tamed. Rather than musical instruments designed for a concert or a performance, Ludicart's sculptures offer themselves to manipulation. To do what ? Music, noise, to serve as tags to a game, or slalom obstacles? Who knows ? Many uses could be invented, as well as situations of listening and life, in a recurring or unpublished form. It depends on the inspiration - but it is none the less oriented by the layout, the appearance and the functioning of these sculptures.
And it is in this that their installation is judicious in frames artistically little connotated - even connoted as non-artistic or as anti-artistic, like the festivals of Choisy-le-Roi, which one can not imagine To be wrong) that a "trendy" contemporary artist would boast of having honored them with his presence. Ludicart proposes an experiment, is it important to know if it is artistic or if it is simply lived? And what would this distinction change at his discretion?
Ludicart's desire not to separate artistic practice from the usual or even "normal" general framework of everyday life is manifested by their presence in public events not specifically artistic, as well as by the economic system they have set in motion Incompatible with the art market and the private - and private - appropriation of their works. These are not sold but rented for the event. This prolongs the life of the works and gives them a margin of improvement, according to the evolution of the technologies and the experience of the show: it is possible to facilitate the manipulation And to optimize its effects.
Thus use is privileged to the object, music taking the form of a practice rather than a fetish.


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